jeudi 13 juin 2019

Fluctuat nec mergitur

Continuer malgré tout.
renaître ?
Muse - New Born - The Origin of Symmetry
Un peu de musique stimulante ne fait pas de mal ;-)

Continuer "parce qu'il le faut".
Parce que ce qu'on vient de vivre nous remet plus en cause nous même que le projet lui même.
Tout en réfléchissant à comment conduire ce projet pour éviter ces écueils auxquels on n'était pas préparés. Et en gardant en tête tous ceux pour lesquels on s'était préparés.
Parce qu'extérieurement on nous en dresse un bilan globalement positif, au moins relativement aux alentours de notre demi-département en désertification intensive, comme une grande partie de la France.
Et grâce aussi aux amis qui réconfortent quand on est dégoûtés, qui débriefent jusqu'à que l’auto-dévaluation baisse à un niveau acceptable.

Je parlerai dans un prochain article de comment le projet de Maison de Santé Pluriprofessionnelle au sens large s'est restructuré après la discorde ; dans celui-ci le récit est centré sur les médecins installés.


Comment s'est passée la suite médicale-démographiquement parlant :

Pour rappel, à l'ouverture de la maison de santé nous étions 5 médecins, 2 jeunes couples et un ancien. L'article précédent raconte le douloureux départ d'une jeune collègue.
Nous risquions donc de passer de 5 à 4 titulaires.

D'où dès l'été 2016 et pendant plus de 2 ans, plusieurs annonces de recherche de titulaires pour alimenter une offre tentant de répondre à la demande de soins toujours plus importante, les alentours s'effondrant, le navire commençant à couler.
nb : pour limiter la demande, on a restreint le recrutement de nouveaux patients à un secteur géographique (somme toute assez large).
Allégorie du tonneau des Danaïdes 

Heureusement, notre collègue partante a accepté d'être remplacée jusqu'à la fin de l'année 2016, permettant ainsi de moins charger les plannings des autres. Et nous avons trouvé beaucoup de chouettes remplaçants (quasi temps plein pendant 7 mois !), qui ont aimé le projet, ça aide à nous regonfler tout en soufflant.

Toutefois, nous n'avons pas pu trouver de titulaire à l'issue de cette période... Donc fermeture d'un cabinet. A cinq, c'était chargé, mais correct. A quatre, c'était très chargé, surement difficile à tenir sur de nombreuses années. On commençait à s'en inquiéter.
Surtout qu'avec un bref préavis, notre jeune collègue a dû rejoindre sa femme, profilant un passage à 3 titulaires : un couple de 2 jeunes parents et l'ancien collègue quasi septuagénaire.

Heureusement, un de nos amis d'étude (un autre), remplaçant régulier a accepté une collaboration libérale pour fin 2017.
Hélas, ce même sauveur a lui aussi goûté au burn-out en moins de 3 mois... les raisons évoquées étaient plutôt en lien entre une vie privée compliquée sur cette période, mêlée aux lourdeurs du monde libéral installé (trop différentes pour lui de la tranquillité du remplacement ou du monde salarié). Lui ne nous a pas accusé, au contraire nous a remercié de le soutenir en s'excusant pour les complications... ce sur quoi on s'excusait plutôt nous, navrés que notre projet ait encore participé aux difficultés d'un ami... et nous l'avons remercié d'avoir permis de garder un cabinet ouvert, même remplacé, avant de risquer à nouveau de passer à 3 titulaires.

Heureusement, un nouveau titulaire arrivait en relais de cette collaboration début 2018.
Sa femme est originaire du village, ils avaient le projet d'y revenir quand leurs enfants seraient "grands". Installé 20 ans dans un département voisin, il a cédé son cabinet pour concrétiser ce projet et nous secourir. Il a connu la médecine libérale rurale "à l'ancienne", mais de manière évolutive : déjà sensibilisé à la philosophie d'une maison de santé. Très sympathique. Et motivé pour une amplitude horaire conséquente : cinq jours à temps plein (finissant après 20h). Malgré une succession sur son ancien cabinet qui se passait mal, lui laissant gérer en parallèle à distance toutes les crasses possibles... (à l'heure actuel, il clôture juste tous ces problèmes au bout d'un an et demi de lutte). Vu ceux qui l'ont précédé, on s'inquiétait du risque de burn-out, on lui proposait de faire ce qu'on pouvait... mais non, il a les reins solides !
Donc on tenait à 4+ titulaires. Ça allait, jusqu'à ce que notre ancien collègue ait un soucis de santé... dont le pronostic était incertain pendant plus d'un mois, mais finalement s'en sorte, en annonçant tout de même une baisse d'activité pour arrêt courant 2019.

Heureusement, une jeune médecin "du cru" (grands parents du coin) nous a rejoint. Qui nous remplaçait depuis plus de 2 ans. Qui a participé grandement à nous soutenir et faire repartir le projet. Qui avait de longue date (avant même le projet de MSP) dans l'idée d'être le médecin de campagne dans ce coin qui a bercé son enfance. Qui a finalement passé sa thèse et s'est installée il y a 3 mois, nous permettant enfin de repasser (temporairement ?) à 5. Qui est devenue non seulement un pilier de la MSP, mais surtout une amie précieuse au delà du boulot, et on en avait sacrément besoin, c'est salvateur dans ces moments de remise en cause.
Et notre ancien collègue, allant de mieux en mieux, parle de moins en moins de s'arrêter.
On a même eu des contacts d'autres médecins réfléchissants à s'installer par chez nous, arrivant "après la bataille"...

Pfiou, comme on onomatope dans les bédés.
Je ne détaillerai pas ici l’ambiguïté du vécu des patients dans tout ça, à la fois soulagés d'avoir des médecins, et à juste titre déboussolés d'être passé d'un modèle unique pendant 40 ans à tant de changements en à peine 3 ans.
Oserais-je croire pour eux (et pour nous) que les choses vont se stabiliser ?


Espérons que notre MSP "fluctuat nec mergitur" dans le contexte tumultueux de la médecine actuellement...

A suivre.


lundi 10 juin 2019

Un divorce professionnel.

On m'avait dit un jour que l'association en libéral, c'est pire que le mariage.
Peut-être...

Source de l'image : un site d'avocat américain 


Suite de mon blog...après une longue pause.
Je pourrais évoquer tout un tas de raisons à ce silence.
Les blogs, ça n'est plus à la mode. La twittosphère évolue. Manque de temps.
En fait la principale raison est que ça a été très difficile, à un point que je n'étais pas en mesure de le raconter publiquement.

Pour ceux qui (re)découvre le blog, je vous encourage à (re)lire surtout le début.

En quelques mots, je décrivais ici la genèse d'un projet d'installation en médecine générale rurale, en Maison de Santé Pluriprofessionnelle (MSP). A quel point la Médecine Générale en tant qu'installé ça me plait. A quel point je trouvais ce projet beau. A quel point j'étais motivé pour faire face à l'adversité.
Une belle histoire qui commençait, 4 jeunes amis médecins (2 couples) qui s'installaient suite au départ de 2 anciens, + 1 autre poursuivant avec nous. nb : 2 couples découvrant de manière concomitante la parentalité (avec impact marqué sur le manque de sommeil) et l'installation, en parallèle de problèmes personnels.
J'ai pu écrire sur ce blog quelques états d'âmes, des galères.
Mais toujours je gardais un certain optimisme. Cet optimisme voulait être contagieux, que par cette lecture, d'autres collègues soient inspirés.

C'est pourquoi, par honnêteté pour ceux qui reviendront ici, je ne peux pas ne pas évoquer comment les difficultés connues ensuite.


Donc la suite du Premier Bilan.


J'y évoquais quelques difficultés de communication. C'était en fait plus grave que je ne le pensais.
A peine 2 mois après cet article, un gros clash a éclaté.

Une de nos jeunes associés était en souffrance, tant sur le plan professionnel que personnel.
Même en en ayant la volonté, nous n'avons pas réussi à comprendre cette souffrance, au contraire, nous y avons probablement contribué de différentes manières, entre autre en se focalisant sur la réussite de ce projet de MSP.
Ce projet a nécessité beaucoup d'énergie, s'est monté très vite, avec peu d'aides, peut-être trop d'investissement de la part de chacun, sans peut-être connaitre bien nos limites.

Sa souffrance a pris une ampleur très importante, elle a dû cesser son activité moins de 9 mois après son installation. Ce départ s'est accompagné d'une forte culpabilisation.

La cause évoquée étant la pression trop importante provoquée par "les leaders" du projet et de sa gestion. Les "leaders" c'est à dire à ce moment de l'histoire : une paramédicale, très motivée, avec un caractère trempé ; ma femme/associée, qui elle aussi ne comptait pas les heures malgré un contexte douloureux (perte de son père) ayant peut-être un impact sur son humeur et son degré d'investissement ; et par association, moi, qui comme évoqué dans l'article du premier bilan commençait à peine à souffler mais était moins investi dans la gestion.
Un "sentiment" de persécution était apparu dans l'ombre, qu'on ignorait totalement, bien qu'on remarquait déjà des signes de souffrance, ce qu'on lui a évoqué en proposant parfois d'en parler, sans succès. Jusqu'à ce que ça explose.

Et sincèrement, quand on fait nous rejoindre des amis envers lesquels on a beaucoup d'estime, dans le but de faire de belles choses ensemble, et que finalement on se retrouve coupable de leur douloureux échec, on s'en veut beaucoup. Briser le bonheur d'amis... :-(
Quand en plus on reçoit de la part d'un de ces amis des accusations insistantes, c'est très difficile, on a du mal à faire la part des choses, si on l'estime vraiment on ne peut ne pas y accorder de crédit. Et à ne pas se trouver monstrueux, quoique les autres puissent nous dire.

Car oui, on nous a beaucoup dit par ailleurs de relativiser ces accusations, qui auraient étés déformées par une souffrance d'un autre ordre, on ne voulait pas se permettre de remettre ses dires en cause.
Et quoi qu'on tentait de faire pour essayer d'améliorer, de s'excuser, de rattraper, cela ne faisait que renforcer le sentiment de persécution, et augmenter la souffrance de tous.
Enfin, la personne qui souffrait le plus, ce n'était pas nous, mais elle. Et tout le monde dans la MSP souffrait par compassion.

Ce cercle vicieux n'a malheureusement pu avoir d'autre issue que par sa fuite.
Son mari a continué avec nous 1 an et demi de plus dans une relative entente, car il restait malgré tout attaché à ce projet, à son travail, à ses patients, mais ce n'était pas tenable de rester distant au quotidien de sa femme en souffrance et son jeune enfant.

...

La cicatrisation a été difficile.
Je pense tout d'abord à eux, lui s'est réinstallé près de sa famille à elle, j'ai peu d'autres nouvelles, je souhaite de tout mon cœur qu'ils trouvent l'équilibre et le bonheur qu'ils méritent.
Ma femme et moi... ça a été long, et on en garde encore un souvenir douloureux. Une forte remise en cause en tout cas. On voit les choses autrement, pour en garder un peu de constructif, il faut apprendre de ses erreurs.
La MSP... le choc a été intense. On a pu rebondir.
Je développerai ça bientôt, quelques articles suivront.



C'est toujours dur un divorce.

Fluctuat nec mergitur

Continuer malgré tout. renaître ? Muse - New Born - The Origin of Symmetry Un peu de musique stimulante ne fait pas de mal ;-) C...