mardi 14 juillet 2015

Il vous en prie !

La récompense.


...
Il n'a pas le temps de bloguer.
Il aime vraiment ce qu'il fait.
Tellement qu'il se bat pour le promouvoir, le faire savoir, donner envie.
Et ça marcherait presque, ça en ferait presque rêver certain.
On lui remet même un prix à cet effet !

Sauf que quand même, c'est pas facile.
Juste avant qu'on le récompense, il passe 3 jours de suite à bosser ramer quasi 13 heures/jours dans de mauvaises conditions (tout à rattraper niveau dossiers patients, pas de secrétaire, le téléphone qui sonne tout le temps, pas de collègue pour s'organiser correctement...).
Même que y'a tellement de boulot qu'en rentrant le soir, il continue jusqu'à tard sur son logiciel en ligne.
Et son nourrisson de fils, tant pis.
Et l'anniversaire de sa femme tant pis.
Elle lui vérifiera sa compta avec bébé dans les bras à la place, comme les femmes de médecins d’antan.
Et une de ses meilleures amies qui passe sa thèse (même pas loin en plus) tant pis.
Et l'enterrement de vie de garçon d'un de ses potes tant pis.
Ou alors il pouvait aussi ne pas aller à Paris se faire féliciter sur sa super installation que pour l'instant il trouve tout pourri et répartir les visites en trop et le boulot administratif sur son jeudi "de repos" (théorique) comme il fait d'habitude.

Se faire féliciter sur son travail et l'exemplarité de son projet, alors qu'on passe une semaine de merde sur celui ci... ?

Hypocrisie dans sa volonté de partager sa passion ?
Syndrome dissociatif ?

En tout cas, ce n'est pas cet exemple là qu'il veut montrer.
Ce mode de vie révolu est justement tout ce qu'il veut dénoncer.
En laissant passer ce message, ces images du médecin trop dévoué mais qui roule à tombeau ouvert vers le burn-out, il se tirerait une balle dans le pied.

Mais en s'engageant dans ces conditions, il savait que c'était du temporaire.

Et heureusement, pour tenir, il trouve plein de satisfactions à pratiquer le métier qu'il aime.
Certes, il rame alors qu'il pourrait se faciliter la tache en torchant ses consultations et bâclant le travail à rattraper laissé par son prédécesseur.
Beaucoup le font.

Mais s'il ne faisait pas ce travail, il serait encore moins honnête avec lui même, moins intègre, et pas fier du tout de son boulot.
Alors il rame, mais se satisfait du travail de fourmi.
Puis il aime vraiment le métier de médecin installé.
D'ailleurs même parmi les médecins les plus déçus par leur installation, en prenant du recul y'en a qui trouvent ça pas mal quand même, parfois.
Mais comme une amie lui a bien dit "la vocation ne doit pas justifier des conditions de travail inacceptables".

Et du coup, ça le renforce d'autant plus dans son but : créer ses propres conditions de travail acceptables (voir idéales) pour exercer sa vocation.
Ça lui rajoute du boulot, créer une MSP cohérente en partant d'une page blanche (et non créer un simple regroupement géographique de professionnel), une révolution sanitaire locale, ce n'est pas une mince affaire.

Ça, se sera la récompense !

Et heureusement il n'est pas seul sur ce coup là.
Histoire bien débutée, "To be continued"
Ce sera le "Prix de la meilleure première installation... groupée" le vrai prix !

Il aimerait avoir le temps de vous en parler plus (c'est l'objet de ce blog), mais vous l'aurez compris, il est assez occupé.
Il va essayer, promis.
Il va aussi faire attention à être plus intègre, à ne pas se burnouter, à se faire remplacer et "profiter" de l'aide de ses futurs associés.
Et privilégier tant que possible sa vie privée.
Bref à se respecter lui-même en attendant le 'Nirvana' annoncé pour l'automne.

Le plus gros est passé !


PS : Ajout de l'illustration inspirée à l'ami @grain2gouns par cet article.
Au passage, son blog compilant ses dessins, c'est ici : https://medessin.wordpress.com/
merci ;-)

jeudi 19 février 2015

Minorité.

Parenthèse dans le récit de mon installation, faisant écho au premier billet sur les raisons de ce blog.

Un peu de motivation.
Nous ne serions qu'une minorité à nous installer...
Le message général qui semble s'imposer, encore lu/entendu récemment serait "s'installer, ça n'en vaut pas la peine, laissez tomber", et il est malheureusement trop suivi... je l'espère juste pas aveuglément.
Et bien moi je veux m'installer, et permettre d'ouvrir les yeux à quelques un sur le fait que ça peut en valoir la peine.

Je veux être la minorité !


paroles et traduction ici : http://www.lacoccinelle.net/250706.html


I want to be the minority
I don't need your authority
Down with the moral majority
'Cause I want to be the minority
...

Je n'ai pas fait 9 ans d'études, pour abandonner si près du but, et tourner le dos à ma vocation : médecin généraliste installé / traitant / de famille, appelez cela comme vous voulez. Même si les conditions de vie seraient plus douces, moi je ne veux pas ni rester remplaçant (en me privant d'un vrai suivi au long cours et de la liberté d'agir sans se soucier d'un titulaire et de son fonctionnement habituel ¹), ni être fonctionnaire (hôpital, PMI, etc., des métiers différents).

Je veux tenter le coup !

...
I pledge allegiance to the underworld
One nation under dog 
There of which I stand alone
A face in the crowd
Unsung, against the mold
Without a doubt
Singled out
The only way I know
...
La seule voie que je connaisse...

Je ne dis pas non plus que tout le monde doit s'installer ! S'installer ou le rester doit rester un choix, le fruit d'une analyse fine, comme pour nos prescriptions, d'un rapport bénéfice/risques constamment ré-évalué ².

Certains l'ont très bien fait, comme Jaddo quand elle nous explique pourquoi elle veut rester remplaçante (pour l'instant mais pas forcément à vie), ou SylvainASK qui décrit son expérience de 3 métiers différents : le libéral, le territorial et l'hospitalier - ne manque qu'une alternative intéressante : le médecin "de famille" salarié - avec une nostalgie pour la "vraie" médecine générale vers laquelle il retournerai bien, mais les conditions actuelles ne lui plaisent pas. Choix argumentés => j'accepte parfaitement.

Ce que je n'accepte pas, ce sont les messages généraux exhortant les jeunes médecins à fuir la médecine générale ("si vous ne travaillez pas, vous finirez généralistes..." ³, "ha, mais t'es sûr tu veux pas faire une spécialité ?", "il ne FAUT pas s'installer en ce moment", etc.). De la part de trop d'universitaires, de proches (famille), voir même (et ça me semble presque pire) de la part de médecins généralistes installés. De la part de médecins ayant abandonné ou sur le point de le faire, passe encore, mais j'ai entendu trop de 'bons' médecins qui pourtant font la profession dont je (/ils) rêve(/nt), voire même l'entretiennent, l'embellissent, et ne sont pas près de lâcher, relayer ce message fataliste... Faites ce que je dis, pas ce que je fais...

Et il y a tant de jeunes confrères qui n'ont pas toujours évalué leur balance bénéfice/risque installation, et reprennent tous en cœur ces messages - leur semblant justes car venant de personnes qu'ils respectent - sans même réaliser qu'il y a un tel manque de médecin qu'ils peuvent s'installer où ils veulent, en choisissant leurs conditions/association/localisation/etc., ce qui quand la pénurie de médecin sera terminée ne sera plus le cas.

Je ne veux pas faire partie de groupe là.

...
Stepped out of the line
Like a sheep runs from the herd
Marching out of time
To my own beat now
The only way I know
'Cause I want to be the minority...
...

Je veux faire partie de cette minorité,  qui fait le métier qu'il veut, et a la "chance " d'avoir l'embarras du choix, la demande surpassant largement l'offre.

Alors oui, je suis conscient qu'une page dorée de la médecine libérale s'est tournée, que notre génération connaîtra beaucoup de difficultés pour exercer sa vocation - l'actualité est vraiment inquiétante, faut pas se mettre des œillères - mais je ne compte pas rester les bras croisés en tournant le dos à ce que j'aime.
Certes, les conditions sont mauvaises et vont vers une dégradation, mais je préfère m'installer en luttant contre celle ci, en me battant pour créer un nouveau modèle conforme à mes idéaux, plutôt que de contempler passivement l'évolution des choses en remplaçant (et subissant quand même la dégradation du système de soin) ou m'engageant dans la fonction publique (pas sûr que pour eux non plus les choses s'améliorent). ⁴


And remember one thing: regardless who the power that be are, the people that you elect, the people that I elect in the office, remember: you have the fucking power, we're the fucking leaders, don't let these bastards dictate your life or trying to tell you what to do, all right?


Nous avons le pouvoir... ne les laissez dicter votre vie...

----------------------------

Je compte parler de tout ça dans ce blog en essayant d'être le plus objectif : le billet de blog précédant ne fait surement pas rêver, mais il est réaliste. Le suivant, qui traitera de tout l'administratif lié à l'installation idem. 
Mais viendront après des choses intéressantes, que je constate déjà au quotidien, entre autres :
  • le bonheur médical/intellectuel de pratiquer la médecine que l'on veut, en appliquant ses propres règles, et le plaisir de voir l'attente d'une population concorder avec ses idéaux (non non, ils ne sont pas tous nostalgiques du prédécesseur, oui oui la nouvelle génération et ses nouvelles pratiques sont attendues). ⁵
  • l'exercice pluriprofessionnel déjà en cours de constitution et allant vers mon idéal de pratique (pas loin d'ailleurs de celui décrit par ASK en conclusion du 3ème article, avec quand même les contraintes du libéral). Une révolution, au moins locale.
En sachant vers quoi on va, en sachant le positif comme le négatif que l'on peut rencontrer, on peut mieux se faire son propre avis.

...
One light, one mind
Flashing in the dark
Blinded by the silence of a thousand broken hearts
For crying out loud she screamed unto me
A free for all
Fuck 'em all !
You are your own sight
'Cause I want to be the minority
...
Tu es ton propre point de vue...

Amis médecins non installés, à vous de vous faire votre propre point de vue, en espérant que ma contribution sur ce blog puisse vous y aider :-)

I want to be the minority 
I don't need your authority
Down with the moral majority
'Cause I want to be the minority



P.S. : je suis toujours preneur d'expérience d'autres personnes récemment installées ou en voie d'installation, que ça se passe bien ou pas, cela ne peut qu'enrichir le point de vue de nos lecteur ! Si vous voulez participer, faites signe :-)


¹ Concernant le travail en conformité avec mes idéaux (lutte contre l'omniprésence des conflits d'intérêts, et toutes les alternatives à l'Evidence Based Medicine), j'aurai presque pu aussi reprendre la même chanson, en un hymne à la minorité de médecins indépendants :-)

² Si la balance bénéfice/risque de l'installation s'inverse franchement, on reste encore libre d'abandonner (même si ce n'est pas forcément facile)

³ à propos du dénigrement général de la médecine générale, lire aussi ce billet : http://sous-la-blouse.blogspot.fr/2010/05/medecine-generale-forever.html

⁴ Heureusement, certains sages ne sont pas fatalistes, je retiens de Jacques Lucas "Gémir, pleurer, prier est également lâche"
bien explicité par Dzb17 : "c'est une invitation au stoïcisme : lis les 4 dernières lignes http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/alfred_de_vigny/la_mort_du_loup.html … #SouffreEtMeurtSansParler 
il est parfois plus sage d'assumer son rôle de promoteur et de testeur plutôt que de contempler une situation qui nous echappe et pour laquelle on se résigne, malheureux. Il n'est pas dit qu'on touche en se bougeant ou en tentant de bouger le contentement, mais le simple fait d'assumer son destin, de tenter de prendre à soi les choses aide. C'est une sorte d'invitation à ne pas se résigner.

⁵ PS : Heureusement, je ne suis pas seul :-)



vendredi 6 février 2015

(dé)collage imminent !

Bon, c'est bien mignon de faire un blog, mais faut bien l'entretenir. >1 mois d'installation, quasi 2 mois sans billet => au boulot ! Billet que je voulais écrire vers le jour de mon installation, puis finalement trop de trucs à gérer... j'ai beau être pro-installation, faut être honnête, l'installation est chronophage et complexe, je le développerai dans les prochains billets.



Donc, j'ai collé ma plaque.

Le 31 décembre exactement (1).

Rappel et précisions sur le contexte, que vous connaissez un peu déjà si vous avez lu les articles précédents :
3 MG > 65 ans dans un canton rural d'environ 4000 âmes en Z.R.R. (2). Projet de Maison/Pôle de Santé Pluriprofessionnel, MSP en construction, qui accueillera 2 couples de jeunes MG qui s'y installeront + un des anciens qui prolonge un peu (les 2 autres seront retraités), et regroupera les paramédicaux. Toujours est-il que cette fameuse MSP n'ouvrira au mieux qu'en automne. Et qu'un des MG actuels devait/voulait prendre sa retraite à la fin de l'année.

Pour ne pas laisser un vide et assurer la période de transition, il a bien fallu qu'un des 4 jeunes se dévoue. Il se trouve que nous sommes 2 couples, que nos 2 dames étant enceintes ce qui rend la tache plus complexe vu les conditions de travail, et que mon collègue ne passant sa thèse que fin décembre, je m'y suis donc "collé". Puis le "jeune retraité" m'avait plus ou moins désigné.

Me voila donc installé... dans des conditions que je n'aurai jamais imaginé accepter il y a quelques années :
Matin sans rendez-vous, après midi blindés qui finissent tard, pas de secrétariat en permanence (5 heures de secrétaire/ semaine pour l'administratif, secrétariat téléphonique théoriquement que pendant nos heures d'absence du cabinet), téléphone qui sonne ++, visites en campagne occupant presque la moitié du temps (et temps de rendez-vous pas extensible car 1 cabinet utilisé en alternance par 2 médecins associés => utilisé à plein temps), visites de labos très visibles, quelques habitudes médicales peu conformes à l'état actuel de la science, cabinet médical en friche depuis des années, dossier quasi pas informatisés, "rachat" de patientèle (3)...
ça vous fait rêver hein ? ;-)

En pratique ça fait plus de 2 ans que j'y travaille régulièrement (d'abord dernier stage SASPAS en dérogation un jour par semaine, puis remplas réguliers). Du coup j'ai pris mes marques progressivement. Et je passais sur les imperfections du cabinet et certaines obligations, ne pensant pas que je m'installerais là avant d'être dans une belle MSP bien organisée. J'ai quand même travaillé au fur et à mesure pas mal à l'informatisation des dossiers et au changement petit à petit des habitudes médicales, ce qui a par ailleurs été bien respecté par "les anciens". Puis le contact avec la patientèle s'est fait dans la douceur, progressivement, ça c'est un gros plus, autant pour les patients que pour le médecin !
Ce qui fait que même sans être installé, même si ce n'était pas ce dont j'avais rêvé pour commencer, j'étais quand même déjà un peu chez moi.

Puis en octobre, mon prédécesseur m'a annoncé que pour diverses raisons, entre autre comptables, il allait arrêter à la fin de l'année, et il voulait que je prenne la suite.

Et c'est à partir de là que le branle-bas de combat a été enclenché, pour faire tout un tas de démarches nécessaire à mon installation en moins de 3 mois... dont je vous parlerai dans le prochain billet :-)



(1) S'installer un 31/12, curieuse date n'est-ce pas ? En fait ce choix nous arrangeait : mon prédécesseur car son comptable lui avait dit que c'était plus simple de ne pas commencer 2015, et moi car pour être certain de bénéficier d'une exonération d'impôt lié à l'installation en ZRR (cf (2)) il me fallait être en règle au plus tard fin 2014 (le flou régnant à l'époque sur le fait de la reconduction ou non de ces mesures en 2015, et si oui dans des condition peut-être moins avantageuses).

(2) Z.R.R. = Zone de Revitalisation Rurale : ensembles de communes rurales reconnues comme fragiles, et bénéficiant à ce titre d'aides d'ordre fiscales :
En quelques mots : exonération temporaire de CFE, Exonération d'impôt sur le revenu totale pendant 5 ans, 75% la 6ème année, 50% la 7ème, 25% la huitième, puis fini. Conditions d'accès assez précise (et services fiscaux très regardant sur les détails il parait, cf (3)).
Bref : mesure très intéressante financièrement, favorisant l'installation et le maintien au moins 5 ans (sous peine de rembourser l'exonération).
3 remarques :
- mesure non spécifique au milieu médical, valable pour toute entreprise répondant aux conditions d'accès
- le village ou je m'installe, malgré sa démographie médicale catastrophique (les 3 médecins > 65 ans), ne bénéficiait d'aucune classification spécifique par l'ARS (pas "zone fragile" ou "déficitaire") et donc d'aide spécifique. Après discussion, l'ARS nous propose quand même (avec insistance) le contrat PTMG (DocMaman en parle très bien ici)... on y réfléchi encore, peut-être plutôt pour nos dames quand elles s'installeront (donc encore une fois ce n'est pas le PTMG qui pousse à l'installation, mais l'opportunité qui fait contractualiser, l'ARS et le ministère se réjouissant pourtant du "succès de cette mesure qui fait s'installer pleins de médecins dans les déserts").
- je fais partie de ceux qui disent que "Les sous c'est pas la solution" aux déserts médicaux. Bon là quand même c'est conséquent, c'est + que le PTMG et le CESP, je n'y crache pas dessus. Pour autant, ma décision de m'installer là s'est faite avant qu'on me parle de ces mesures, devant la promesse d'une belle histoire, comme j'en parlais dans l'article précédent. Et je trouve beaucoup plus incitatif le stage en dérogation accordé par ARS/DUMG ainsi que le projet de MSP et le fait que des moyens (financiers et organisationnels) y soit alloués par l'ARS et les collectivités. Sans ZRR, je m'installais, sans projet de Pôle de Santé, non.

(3) Et oui, vous avez bien lu "rachat de patientèle" malgré tout ça. Et encore, mes anciens collègues parlaient de clientèle. Juridiquement c'est une "convention de successeur et de présentation de clientèle civile", et les patients sont parfaitement libres de changer de crèmerie en récupérant leurs dossiers. Le caractère absurde de cette pratique datant d'une époque faste de la médecine libérale a souvent été débattu, entre autre ici sur Twitter. Pour autant, dès les premiers contacts avec les médecin du coin, un des 3 médecins (en l’occurrence celui à qui j'allais succéder, qui pensait déjà à sa retraite) évoquait ce sujet, promettant "un prix cadeaux" (12000€ quand même !!!). Au grès de longues discussions, j'avais réussi à le convaincre (aidé par ses confrères plus réalistes) qu'il n'en serait pas questions, et n'en ai quasi plus entendu parler à part dans quelques regrets qu'il émettait. Puis, à l'annonce de son départ en retraite, je me suis renseigné auprès de juristes sur les conditions d'accès à l'exonération ZRR, très précises, il se trouve que pour les impôts, très regardants au vu des sommes en jeu, considérant la coïncidence de son départ et de mon arrivé comme une succession ou plutôt une reprise d'entreprise, pour être dans les clous et toucher l'exonération il me fallait absolument racheter un fond de commerce, à une somme significative, on m'avait conseillé au moins 2000 à 3000€ (plus les honoraires élevés d'un avocat pour les papiers en règle), que ça passerai vu le contexte de pénurie médicale. Et bien il m'en a redemandé la même prix qu'au départ ! Que j'ai quand même réussi à diviser par 2, non sans difficultés.
Bref, j'ai bien galéré administrativement (complexe +++ à monter les dossiers), et finalement "acheté une patientèle" alors que j'étais fondamentalement contre, et oui... en espérant que l'exonération ne saute pas pour une raison ou une autre.


Trêve de galéjades administratives, suite des événements au prochain épisode !

lundi 8 décembre 2014

Synopsis



Alors c'est l'histoire d'un projet d'installation dans un petit village de moins de 1500 habitants, au milieu d'un vaste territoire rural où les 3 médecins en activité ont plus de 65 ans.

Histoire drôle ?
Il est vrai que dans le contexte actuel, commencer à raconter ça pourrait faire croire à une blague.

Dans le coin (c-à-d une bonne moitié du département) la démographie médicale n'est guère mieux : même la sous-préfecture à 25 km possède la majorité de ses médecins âgés de plus de 60 ans, et le reste de la campagne environnante est dans la même tendance, certains départs comblés par l'arrivée de médecins étrangers (seront-ils pérennes, dans des conditions difficiles ou un médecin français ne s'installerai jamais, difficile à dire...), d'autres non comblés.

Histoire tragique ?
Surement encore une histoire de désert médical grandissant, le drame classique dont la presse nous abreuve...

Bon, il y a quand même deux médecins qui se sont installées en création dans un village proche. Et de même de l'autre côté de la sous-préfecture, un collaborateur libéral à mi-temps. Ils semblent heureux, et très motivés (et motivants) à changer ce cercle vicieux de désertification en un cercle vertueux d'installation !

Histoire impossible ?
Le genre d'histoire ou personne ne croit à l'optimisme des protagonistes au début...

Et bien un couple d'interne en médecine générale décide d'y emménager avant la fin de leur internat, pour fuir les embouteillages de la grande ville du CHU, et commencer à repérer la région pour s'installer. Ils se plaisent bien dans ce village (certes petit, mais avec tout ce qu'il faut : commerces, vie associative, maternelle, école, collège, poste...), et entrent en contact avec les médecins et élus locaux, qui leur proposent de lancer un projet de pôle de santé pluriprofessionnel. Ils se marièrent... 

Histoire romantique à l'eau de rose ?
(non, là on s'égare ;-)

... et convièrent à leur mariage un autre couple d'amis internes en médecine générale, pas vu depuis un moment car parti faire son internat dans une autre région. Il se trouve que ce couple cherchait justement à s’installer au sud de la grande ville de leur CHU d'origine, à maximum une heure de celle-ci, mais en rural. Ben banco, les voilà bienvenus dans l'aventure ! Un des anciens médecins veut continuer l'aventure avec eux, et se joignent au projet plein d'autres personnes dynamiques : les infirmières, les pharmaciens, une sage-femme du village voisin, kinés, structures médico-sociales... ; on obtient le soutien des élus, de l'Agence Régionale de Santé, du Département Universitaire de Médecine Générale, de la Fédération Française des Maisons et Pôles de Santé, et bien d'autres...
Le tout accouchant d'une maison de santé au sein d'un pôle multisite, qui attire du monde : diététicienne, psychologues, podologue, et même orthophonistes (alors qu'en gros déficit dans la région).

Épopée fantastique ?
Pourtant, nulle fiction ici, si si, c'est bien vrai.

L'aventure est lancée. Le rêve. Pour les professionnels : la garantie de travailler dans de bonnes conditions, conforme à leur vision idéale de la médecine, mais aussi pour la population, qui peut être rassurée quant à l'avenir de leur prise en charge médicale, et pour les élus, locaux ou régionaux, qui peuvent se targuer d'aider un tel projet !
Pour autant, cette trame idyllique ne se déroule pas sans anicroche. C'est malgré tous ces éléments favorables un parcours de longue haleine. Arriver à mettre tout ce beau monde - certes déjà d'accord sur le fond - d'accord sur la forme (ou au moins trouver un consensus) malgré des visions très différentes des choses, se lancer dans un projet de construction et toutes les complications associées, de recherche de subventions, discuter de la (ré?)organisation de tout le système local tant sur le plan sanitaire qu'administratif, et plus précisément des outils de coordination (logiciel commun, téléphonie, structure juridique, loyer/charges, secrétariat... [liste non exhaustive... but exhausting!]), gérer les départs à la retraite des uns et les installations des autres, le tout ne coïncidant pas forcément avec l'ouverture de la maison de santé, dont la date elle-même à ce jour n'est pas clairement définie, ni le volet financier bétonné...

Bref, ce n'est pas une simple et courte histoire.
Ça ne tiendra pas dans un film. Dans une série à la limite... et bien ça tombe bien, car c'est une histoire continue, avec pas mal de rebondissements, et encore loin d'être réglée !

A l'heure actuelle, je ne suis même pas sûr à 100% à ce jour que le projet aboutira. C'est beaucoup de travail, avec parfois des événements franchement décourageants. Mais l'histoire est plutôt belle, non ? Ça vaut quand même le coup de se battre.
C'est un beau pied de nez aux "les jeunes y veulent pas s'installer", ou autres "les médecins y z'aiment pas la campagne" qu'on nous coltine. On veut bien s'installer, y compris en campagne, si les conditions sont bonnes. Mais parfois, c'est à nous de mettre notre grain de sel pour les optimiser !
Même si dans le contexte actuel, s'installer c'est un peu le combat de Bisounours contre Alien dans la MaisonQuiRendFou, je serai un bisounours battant :-)

Tout cela me laisse donc beaucoup de sujets à discuter et d'histoires à vous raconter...

Alors il y a plein de places, installez-vous confortablement (puisque c'est le sujet du blog ;-), et profitez du spectacle !

PS : et n'hésitez pas à y participer :-)

dimanche 30 novembre 2014

Installation... du blog !



Faut bien se lancer.

-allez, une introduction au blog, c'est banal, mais ça sera pas forcément
de trop pour annoncer la couleur et un peu me présenter-



Pourquoi écrire un nouveau blog médical ?


C'est vrai, y'en a déjà beaucoup. Puis qui racontent vachement mieux des histoires que j'ai l'habitude de le faire.

Pas la peine de parler (que) de la médecine générale en général, pour ça, y'en a déjà des tas qui font ça très bien. Des bien connus qui m'ont fait apercevoir avant mon internat le visage de cette médecine non apprise à la fac qu'est la MG (Dupagne, Borée, Winckler, Jaddo...), d'autres que j'ai découvert ensuite (liste trop longue pour être développée entièrement). Pas la peine de parler internat de médecin générale et tout ce qui va avec, c'est déjà (très bien) fait (avec une vision des choses que je partage). Ma vision des choses se retrouve aussi dans certains blogs dans lesquels je reconnais parfois mes idéaux et mes doutes, certains articles ou je retrouve mon côté optimiste activiste pour sauver la MG, alors même que j'adhère à l'analyse triste de notre système de santé relatée par d'autres. Même des expériences burlesques très similaires à celles que j'ai pu connaitre lors de stages/remplacements/pré-installation sont déjà racontés avec beaucoup d'humour :-)
(d'ailleurs bien dommage que ce blog n'ai pas continué, on attend toujours la suite de la pré-installation...)

Bref, pas la peine de galérer en cherchant à créer, suffit de relayer de temps en temps un article des blogs sus-cités (et de bien d'autres) pour exprimer ma vision des choses.

Être lecteur-relayeur quand tout est déjà si bien raconté, c'était bien confortable. Pas remplacer l'existant, juste balancer de temps en temps des salves de 140 caractères sur Twitter pour ajouter ma petite touche me suffisait amplement.


Et pourtant, c'est en étant confronté aux limites de cette solution fainéante que j'ai trouvé une motivation pour me bouger un peu, et parler d'un sujet à mon goût pas assez développé sur la blogo-twittosphère médicale.

Quand je vois tant de médecins généralistes, même parmi mes mentors, déplaquer, dire aux jeunes de ne pas s'installer, ça nous désole, mes 140 caractères et moi.

Moi je veux m'installer malgré tout, mais difficile de contrer le désespoir entraîné par ces paroles fortes d'un si petit revers de clavier.
Quand je vois pleins de jeunes MG dire qu'ils ne s'installeront jamais parce qu'à l'heure actuelle vaut mieux être remplaçant ou salarié à l’hôpital, ça me désole.
Le métier de praticien hospitalier ou remplaçant en médecine générale étant pour moi tout à fait différent de celui de médecin 'traitant' généraliste installé. Et à mes yeux bien moins passionnant.
Même si je dois m'installer dans de mauvaises conditions, je serai bien content de faire le métier que j'aime, quitte à me battre en permanence (contre des moulins peut-être) pour tenter d'améliorer les dîtes conditions de mes semblables.
Après tout, je lisais en première année de médecine "Voyage au bout de la nuit" de Céline, et je trouvais le métier de toubib qui y est décrit magnifique... donc il m'en faudra beaucoup pour me décourager ;-)

Mais des discussions sur Twitter est aussi venu l'espoir :
-Quelques jeunes installés rencontrés sur Twitter et/ou IRL confirmant que le métier de MG installé est bien plus intéressant. Peu le racontent en détail, beaucoup se limitent à quelques tweets. Mais en version longue, peu d'expériences, ou alors blogué avec circonspection (et sans la suite), ou avec le déplaquage qui démange dans plusieurs articles...
-Quelques uns qui franchissent le pas en même temps que moi et se soutiennent, et même qui sont aidés dans leurs démarches par des un peu moins optimistes apportant leur expérience.
-Des personnes qui déconseillaient l'installation au risque d'entretenir le système, et qui maintenant sont dans des démarches créatives pro-installation.
-Une dynamique impressionnante se dégageant d'un congrès sur notre profession pleins de jeunes médecins et d'universitaires (allant à contre courant de l'abandon qu'adoptent tant de MG fatigués).
Manquerait juste que tous les motivés de la FFMPS s'inscrivent et tweetent en masse et ce serait parfait :-)

Et bien un peu d'optimisme dans le contexte actuel je trouve ça cool !
Bon, optimisme certes modéré, au vu du système actuel peu favorable (administration de plus en plus lourde (et les réformes annoncées ne vont pas dans le sens d'une réassurance), démographie médicale catastrophique, profession relativement dévalorisée au yeux de beaucoup)...

Mais encore une fois je pense qu'il faut avancer en luttant.
Et je suis persuadé que malgré tout, on peut encore à l'heure actuelle s'installer pour faire de la bonne médecine générale, en aimant ce qu'on fait, sans burn-out systématique.
C'est ce que je vais essayer de faire. Et je ne suis pas le seul.
C'est certes un combat contre le sens du vent, c'est pas du tout cuit.
Mais c'est possible !

Et pour le prouver, je pense que le mieux est d'en parler. Et comme 140 caractères ça fait un peu juste, et bien j'ai voulu créer un blog parlant installation, voici !

Donc j'ai ouvert ce blog pour discuter de l'installation en médecine générale !

Et puis aussi de temps en temps d'autres sujets, liées de près ou de loin à ce thème (exemple : démographie médicale, formation universitaire, actualité/réformes...). Et pourquoi pas de temps en temps de choses sans rapport, faut se détendre des fois :-)

Attention, j'ai bien écrit dans la phrase en gros et gras ci-dessus "discuter" ! Par là je veux dire que je ne souhaite pas faire du mono(b)logue, discussion et interactions sont attendues :-)

Et pas forcément que sous la forme de commentaires, toute expérience étant bonne à prendre face à la grande inconnue qu'est l'installation, si vous voulez faire un article sur votre installation passée, présente ou future, qu'elle se soit bien ou mal passé, vous êtes les bienvenus ici :-)

(nan, puis ça m'arrange car je me connais, je suis lent et féniant, je vais pas forcément écrire assez souvent pour faire vivre le blog)



Allez, fini d'introduire, va falloir entrer dans le vif du sujet, et que je m'attelle à écrire à propos de mon projet d'installation en rural dans un village comportant à l'heure actuelle 3 médecins âgés de plus de 65 ans. Ça fait rêver, hein ? ;-)


La suite au prochain épisode.


Fluctuat nec mergitur

Continuer malgré tout. renaître ? Muse - New Born - The Origin of Symmetry Un peu de musique stimulante ne fait pas de mal ;-) C...